Vendredi 21 janvier 2067, Mario, les jardiniers de l’Agora
Aujourd’hui Mario vous raconte un bel exemple de vie en 2067. Un mouvement différent de la société.

Je n’aime pas trop écrire, mais bon, Iolé, la griote a insisté pour que je prenne ce carnet, ce soir, profitant du fait que je passe dire un petit bonjour aux vieux copains d’école. Je ne reviens pas souvent au pays, car je vis en Finlande. Et quand je viens, c’est avec la première voiture open source construite en France en 2027 par mon père et un mécano du coin. Ce n’est pas tout confort mais elle ne consomme rien et je peux la réparer facilement sur le chemin. Elle pense que ce serait bien que je parle un peu de l’Agora, enfin de son histoire. Je ne sais pas bien comment dire les choses, parce que tout cela a toujours existé, pour moi. C’est marrant parce que je n’ai jamais vécu dans le village à proprement parler, au final, mais c’est ici que je suis rattaché. Mon cœur. J’ai été socialisé dans ce village, à l’âge de 4 ans, en 2021. Enfin disons plutôt scolarisé, c’est le mot qu’on utilisait plus souvent avant. Mes parents ont fait ce choix, malgré le fait qu'ils habitaient dans une autre commune, à 15 kilomètres. C’est parce qu’ils ont fait construire un grand atelier. Ce qui plus tard est devenu le premier QG de notre Agora. Ce n’était qu’un atelier, mes parents étaient menuisiers. Mon père fabriquait du neuf et ma maman redonnait vie à de vieux meubles. Ils partageaient le lieu avec un ami qui, je crois, fabriquait toutes sortes de lampes étonnantes. Au-dessus, ils ont aménagé des bureaux qu’ils louaient à des gens qui avaient les mêmes valeurs et un peu de tolérance quant au bruit des scies circulaires et ponceuses qui vrombissaient de temps en temps… Enfin, pour vous dire au début c’était un bâtiment professionnel, et moi j’allais à l’école publique du village, comme ça j’étais près du lieu de travail de mes parents. Mais ce que je dois dire, au-delà de ce lieu professionnel, c’est que mes parents, mon père surtout étaient beaucoup dans le partage. Partage d’idées, de bon plans, de mutualisation d’outils. Vu leur métier, les échanges concernaient beaucoup les matériaux d’éco-construction. On était à l’époque dans une nouvelle mouvance, beaucoup de jeunes familles venaient s’établir ici et retapaient les vieilles bâtisses. Aujourd’hui elles sont toutes plus belles les unes que les autres. Donc voilà, c’était du troc, des chantiers participatifs. mon père me trimbalait partout et dans son camion, de la ouate, du fermacell, de la laine de bois… Petit à petit, ils ont créé un collectif pour brasser de la bière, puis un groupement d’achats de la vie quotidienne. C’était très concret. Et ça, plus ça, plus ça plus ça, on a commencé à aller vers tout un tas de choses plus large que l’habitat plus large que leur métier. Je me souviens quand ils ont trouvé une immense serre en verre. L’agriculteur la donnait mais il fallait la démonter. Ils s’y sont mis à 20. Et ont commencé à cultiver ensemble, avec des amis et voisins. C’est cela, que je voulais dire, que c’est spontané, la naissance d’une Agora, et naturel, cela germe et pousse comme les plantes, quoi. Et mes parents sont des jardiniers. Comme nous tous et toutes ! Bon, je vous laisse, le village, j’aime bien revenir ici à chaque fois, parce que je sens que cet esprit est toujours présent. Un esprit d’ouverture où chacun vient apporter et chercher quelque chose d’unique, lié à sa personnalité, à ses valeurs, et à son savoir-faire. Belle vie à tous et à la prochaine, demain je viendrai faire un tour au garage pour bichonner la voiture. Et comme je repars lundi… Aussi je passerai à l’école raconter mes aventures. Et je retournerai admirer le dôme, il est si beau. Je vais prendre des photos pour montrer à mes confrères et consœurs finlandaises.

Jean-Christophe LÉONARD
21 janvier, 2022
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