Cette angoisse, ce malaise a continué. Il s’est accentué, s’est accéléré. Le réchauffement climatique est devenu un enjeu mondial, universel, et également individuel. Ressenti petit à petit de manière intime par chacun, chacune. Même dans le monde capitaliste, le sort de la planète devenait un enjeu de plus en plus pesant sur la balance. Combien coûte un incendie ? Combien coûte une inondation ? Combien coûte une bombonne d’oxygène ? Et l’angoisse a continué de monter, de manière anarchique et sans lueur. Disparition des espèces. Catastrophes « naturelles ». Contradiction dans les termes, dans les explications, dans les attitudes. Des mouvements sont apparus. Des espoirs et des stupéfactions, avec la crise sanitaire, des désillusions et des éclairs de génie. Les collapsologues ont essaimé, les climatosceptiques, les militants modérés et extrémistes, les je-m’en-foutistes, « jusqu’ici, tout va bien ». Il y avait ceux qui parlaient. Ceux qui pensaient. Ceux qui agissaient. Ceux qui alimentaient les fantasmes et les peurs, dans les médias, qui contribuaient à une paralysie générale. J’ai toujours été ahurie de voir à quel point la peur nous paralyse tandis que la colère nous pousse à agir. Mais les médias se contentaient bien souvent de paralyser plutôt que de pousser à l’action. Les penseurs régurgitaient leurs analyses d’en haut, on était en plein dans la société des experts. Peu de recherche-action. Clivage des mondes. Ceux qui pensent d’un côté et ceux qui font de l’autre. Des intérêts contraires. J’ai le sentiment d’avoir baigné dans ce monde de fractures, d’opposition. Le paroxysme, je l’ai ressenti lorsque le Covid est apparu. Passé la peur généralisée de « on va tous mourir ! » qui avait au moins le mérite de rassembler les peuples, on est passé à des oppositions entre les travailleurs essentiels et non essentiels, les pro-vaccins et les anti-vaccins, les pro-pass sanitaires et les anti-pass sanitaires. Des oppositions intestines bien confortables pour ceux d’en-haut qui préparaient leur ré (élection). Rien de nouveau sous le soleil, le chacun chez soi derrière chaque masque. On a appris de jolis, de nouveaux mots : « distanciation sociale », « geste barrière », « protocole sanitaire ». On a masqué nos enfants. On a fait n’importe quoi… Moi, j’attendais le point de rupture. Je suis passée par tous les états et toutes les pensées. Difficile d’être stable dans un monde instable. C’était la confusion en moi. Et la crainte de voir monter, petit à petit, une haine entre les personnes. Une haine entre les parents et les enseignants. Une haine entre les sœurs vaccinées et non vaccinées, une haine entre les artistes qui jouaient le jeu et ceux qui s’arrêtaient, une haine entre les jaunes et les rouges, ceux qui acceptaient de se faire « bipper » et ceux qui n’acceptaient pas. Mais je ne me rendais pas compte, en regardant tout cela, que dans ma vie quotidienne, sans penser et à l’instinct, que quelque chose se construisait. Quelque chose de sensé, je crois. Quelque chose de durable, je crois. Quelque chose d’humain, je crois. Quelque chose de simple et puissant, je crois. Une autre voie… cela fera l’objet d’un autre chapitre !

Marie FIDEL

Crédit photo de cottonbro